AÂMA
UNE FRESQUE HOMMAGE À LA GRANDE ÉPOQUE DE LA SF FRANCOPHONE
EMBARQUEZ POUR UN VOYAGE VERS L’INCONNU ET L’INCONSCIENT.
Aâma
Scénariste, dessinateur et coloriste: Frederik Peeters
Éditeur: Gallimard (www.bd.gallimard.fr)
Genre: Science-Fiction
TRAITS
Background:
-Fantastique et merveilleux
-Psychédélique
Gameplay:
-Intimiste
-Épique
Produit:
Série en 4 tomes, disponibles:
1. L’odeur de la poussière chaude (10/2011)
2. La multitude invisible (10/2012)
3. Le désert des miroirs (10/2013)
4. Tu seras merveilleuse, ma fille (10/2014)
Premières impressions
Je dois avouer que ma rencontre avec Aâma ne débuta pas sous de bons auspices. En effet, lorsque je feuilletai les premiers tomes, je fus plutôt sceptique. Je ne connaissais pas l’auteur, le style désuet du graphisme ne m’attirait pas particulièrement, loin des standards de la production actuelle. Puis, je lus le premier tome et mon avis changea radicalement. Je venais de faire une découverte formidable. Une claque dans la figure qui chamboula mes idées préconçues. J’enchaînai aussitôt avec le deuxième tome, encore meilleur, et me précipitai chez mon dealer préféré pour trouver le troisième qui venait de sortir. Autant dire que l’attente fut longue avant de dévorer le quatrième et dernier tome concluant magistralement cette grande fresque humaniste.
Une saga épique et intimiste
Aâma débute avec le réveil de Verloc, amnésique, et les yeux pleins de larmes, au milieu d’un cratère d’une planète inconnue, accompagné de Churchill, un singe robot à moitié épilé fumant un cigare! Verloc est invité, tout comme le lecteur, à se plonger dans la lecture de son carnet de notes, seules traces de sa mémoire, et à remonter le fil des événements.
Comme toute bonne série d’anticipation, le principal thème abordé concerne un sujet faisant écho à l’actualité, et pour lequel chacun d’entre nous sera très probablement prochainement obligé de prendre position: serez-vous bioconservateur, refusant l’homme augmenté ou au contraire transhumaniste, soutenant que le progrès technologique a quelque chose de bon à apporter à l’humanité? Verloc est un «génopür», un homme sans modification génétique ou technologique, ayant commis le délit d’avoir une fille naturelle. Verloc est faible et maladif, mis au ban de la société et passionné par les livres, devenus des antiquités. Avec son frère Conrad, parfaitement intégré à la société, lui, et Churchill, l’étrange robot ange-gardien aux capacités sans limites, ils partiront en voyage sur la piste d’une équipe de scientifiques abandonnée sur la planète Ona(ji). Sur place, ils seront confrontés à la mutation animale/végétale/cybernétique. Aâma désigne en effet une soupe primordiale développée par une mégacorporation souhaitant accélérer l’évolution humaine! Exploration, complot, mystère, quête philosophique et relations entre les personnages sont au coeur d’une intrigue rondement menée. En effet, la force de l’auteur est de proposer des enjeux globaux et des scènes de combat épiques tout en développant une histoire personnelle et familiale complexe et touchante.
Graphiquement, le trait habile de Peeters, ses colorations et surtout son sens du cadrage ont rapidement fait voler en éclat mes préjugés. Les angles de vues sont osés, novateurs et donnent le vertige en démontrant une maitrise parfaite de la composition et des raccourcis. Frederik Peeters est de plus en plus à l’aise dans son style au fi l des tomes et le quatrième est une explosion graphique, parfois psychédélique.
Le style graphique global sonne comme un hommage vibrant aux grands auteurs de la SF francophone des années 70 et 80: Moebius et Druillet en tête.
Naissance d’un génie?
J’ai découvert Frederik Peeters (trop) tardivement, mais il n’en est pas à son coup d’essai. Il était préalablement connu et reconnu comme un auteur indépendant. Ce jeune auteur suisse a notamment publié «Pilules Bleues», une oeuvre auto-biographique décrivant les difficultés quotidiennes de ses relations avec une femme et son enfant séropositifs et «Lupus», une série SF Space Opera, tous deux en noir et blanc et aux éditions Altrabille. Le jury du Festival International de la BD d’Angoulême lui décerna d’ailleurs le Fauve d’Or de la meilleure série en 2012 et celui du festival Quai des Bulles de Saint Malo, alors présidé par le regretté Wolinski, le couronna du prix de la BD du Point la même année.
Un univers de jeu
La consistance de l’univers d’Aâma est épaisse. Certes, les quatre tomes ne font qu’effleurer un background qui mériterait un développement digne de ce nom, mais il est tout à fait envisageable de jouer une mini-campagne sur Ona(ji), reprenant dans les grands traits les péripéties des protagonistes et les enjeux globaux qu’offre cette histoire en laissant de côté les aspects plus intimistes. Les lieux présentés sont variés, le bestiaire divers et bien développé, les interactions avec la colonie de scientifiques nombreuses. Greffez-y le système de votre jeu futuriste favori et l’exploration d’Ona(ji) et ses secrets s’offrent à vos joueurs!
François Cedelle
UN TEMPO MINUTIEUX
Le truchement de la lecture du carnet de Verloc permet au récit de mélanger plusieurs lignes temporelles avec une grande fluidité. L’auteur nous présente tour à tour le passé de Verloc souvent commenté en voix off au travers de sa prise de note, des rêves ou souvenirs offrant des flash-back éclairant un aspect particulier du récit et enfin, clou du spectacle, le troisième tome rattrape le présent et tout s’accélère dans un copieux quatrième volume.
RESSOURCES WEB
Frederik Peeters a eu la bonne idée de tenir un blog tout à long de la création de cette série. Il y partage ses inspirations, la création des personnages et créatures, ses essais de couvertures ou de cadrage, etc. Bref une mine d’or si vous souhaitez comprendre ou décortiquer le travail de création de cet auteur: http://projet-aama.blogspot.fr