FABIEN FERNANDEZ
CENDRES DE SPHINX A VÉCU. DEPUIS QUELQUES MOIS, CDS NE DONNAIT GUÈRE PLUS SIGNE DE VIE. ET SOUDAIN, SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX, ON A COMMENCÉ À ENTENDRE À NOUVEAU PARLER DE LEURS PROJETS, MAIS CHEZ UN AUTRE ÉDITEUR.
Il y a quelques années, tu as co-fondé Cendres de Sphinx. Dans ce cadre, tu as publié des jeux étonnants tant par leur sujet que par leur forme. Et plus rien depuis quelques mois. Que s’est-il passé?
Fabien Fernandez: La société va mal. Quand nous nous sommes rendu compte qu’il fallait vendre nos poules-zombies pour survivre, nous avons décidé d’arrêter les frais!
Plus sérieusement, CDS a commencé en tant qu’association avec un fanzine. Nous faisions des aides de jeux et des scénarios au format papier, puis sont venus les settings, notamment pour Les Secrets de la 7e Mer. Est arrivé un moment, où nous avons voulu professionnaliser nos publications. Pas forcément pour nous mais pour sortir des livres de qualité et mettre en lumière des auteurs et illustrateurs. CDS est devenue une maison d’édition avec trois collections: livres d’art, anthologies thématiques à caractère caritatif et jeux de rôle, naturellement. Pour faire court, nous avons passé des années formidables à orchestrer tout ça. Quand je dis nous, c’est Charlotte Bousquet et moi. Deux personnes pour tenir le cap, parfois contre vents et marées. On nous a souvent dit que ce n’était pas viable de publier des livres, notamment parce que nous n’avions pas de diffuseurs ou distributeurs. On faisait des ventes en direct, des précommandes (si, si, ça existait bien avant les CF), des ventes fermes et du dépôt-vente. C’est-à-dire gérer l’administratif en plus de l’éditorial, se rendre à la Poste pour envoyer les livres, ou livrer les boutiques. Mais ce qui nous a permis de maintenir CDS éditions à flot financièrement, c’est le jeu de rôle.
Project: Pelican fut votre premier jeu. À cette époque, CDS parle d’un partenariat avec Pine Ridge Enfance Solidarité et affirme un certain engagement.
Fabien Fernandez: On est des rebelles chez nous! Alors on a opté pour un format spécifique (presque carré) pour toute la collection. Les précommandes ont aidé à financer l’impression mais on a sorti notre chéquier car de toute manière le jeu devait sortir (c’est pour nous important que l’éditeur prenne en charge le risque éditorial). C’était en plus un challenge que d’arriver sur un territoire aussi vierge que les années 70 + jouer des Amérindiens + un cadre horrifique. De plus, comme j’en étais l’auteur principal et que j’étais également membre du bureau associatif de CDS éditions, je ne pouvais pas encaisser les droits. Il nous a donc paru normal de reverser cet argent à Pine Ridge Enfance Solidarité. Malgré tout, les ventes du livre ont permis de rembourser l’impression, et plus encore. Au final, le jeu est sorti, il a eu son succès, a été dans le top douze du GROG d’or et nous avons continué l’aventure.
Project Pelican n’est pas ton seul projet éditorial?
Fabien Fernandez: Ensuite, il y a eu Achéron (de Nicolas Henry). Ce jeu est un coup de coeur. Je faisais parti d’un jury de concours de JdR, j’ai vu passer le jeu, j’ai voté pour lui… il n’a pas été retenu… j’ai sauté sur l’occasion. Achéron a le potentiel d’un Cthulhu à la française, en plus riche. S’en est suivi un premier supplément ayant pour cadre Shanghai au XIXe siècle. Enfin, est arrivé un autre de mes JdR: Islendigar. Et puis la vie nous a rattrapés.
Non, nous ne sommes pas des rôlistes qui arrêtons le jeu pour des histoires d’enfants, de match de foot ou de barbecues chronophages. C’est seulement que Charlotte publiait de plus en plus de romans (je vous invite, par exemple, à aller chez votre libraire et acheter ses livres parus chez ActuSF, Mnemos ou encore chez Gulf Stream éditeur), et moi j’avais aussi ma part créatrice (illustration, écriture…) qui prenait pas mal de temps. CDS avait bien vécu, on en était très content et plutôt que de bâcler les projets, on a décidé d’arrêter les frais. CDS éditions est donc mort avec le sourire.
Et les XII Singes dans tout ça? On a pu voir les derniers exemplaires d’Islendigar sur leur site.
Fabien Fernandez: Ça s’est fait naturellement, quand nous avons fermé boutique. Un contact, une discussion et les Singes étaient intéressés par notre collection jeu de rôle. Je me souviens d’ailleurs qu’à l’époque de la sortie de BIA, un Singe rencontré en convention m’avait dit que j’aurais dû lui soumettre Project Pelican. Voilà, maintenant le jeu retrouve sa juste voie. Les Singes ont repris les stocks et la collection de JdR de CDS éditions. Le premier jeu à sortir est donc une nouvelle édition de Project Pelican.
Project Pelican revient cette année avec une seconde édition chez les XII Singes. Le format sera plus conventionnel que la première édition. Qu’est-ce que tu as changé entre les deux éditions?
Fabien Fernandez: La véritable première différence est le changement de titre: nous avons supprimé les deux points entre les mots Project et Pelican.
Pour le reste, ils sont nombreux.
Déjà, nous sommes passés en système dK. Il faut savoir que je ne suis pas fan des systèmes génériques, je préfère les systèmes dédiés aux univers. Mais là, ça m’est venu naturellement pour cette nouvelle édition dans la mesure où on préservait les totems dans la mécanique de jeu. Donc tout est passé à la moulinette dK mais avec les atouts spécifiques à Project Pelican; j’ai aussi remanié les règles de dépendance aux drogues ainsi que celles du Chindi. En dehors de ça, il y a la forme: un écran, des livrets et une carte. À l’intérieur, les Singes ont opté pour un mélange de photos d’archives en noir et blanc et une bonne partie des illustrations d’origines. Pour ces dernières, on a supprimé celles qui avaient trop vieilli et on en a ajouté quelques-
unes. Comme le jeu est dans une thématique horrifi que proche du polar, je voulais préserver le noir et blanc : question d’ambiance. Peut-être que j’avais un peu peur des couleurs seventies… mais on ne le saura jamais. Ce qui change aussi c’est qu’il y a nettement plus de scénarios, et que la campagne esquissée dans la première édition est totalement écrite et jouable directement. On a en tout 80 pages de campagne!
Enfin, cerise sur le gâteau, un setting: San Francisco, enrichi d’une superbe carte de grande taille1 by Maxime Plasse, himself. Au même format que Skull & Bones (32 x 46 cm). Il grouille de lieux et de PNJ dans tous les quartiers de la ville pour étoffer les parties ou piocher dedans plein d’idées de scénario. J’imagine même que les récalcitrants au 70s peuvent l’utiliser pour du contemporain sans trop de retravail.
Seconde édition… Est-ce que le contexte a évolué? A-t-il été développé, ou sommes-nous plus tard?
Fabien Fernandez: On reprend exactement au même départ: l’incendie du phare d’Alcatraz en 1971 avec les PJ en fuite. Mais l’écriture totale de la campagne pousse plus loin l’histoire. Au final, on peut très bien glisser vers des uchronies. Si c’est le cas, c’est au MJ de l’écrire grâce à tout le background développé sur San Francisco pour le premier livre de cette seconde édition et la chronologie d’événements importants se déroulant jusqu’à nos jours. Dans la première édition, il y avait juste la description de la communauté hippie. Là, il y a toute la ville. Enfin, ce qui n’est pas forcément une erreur mais un manque d’ouverture: j’ai réalisé que jouer un Amérindien n’était pas du goût de tous. Il y a donc de quoi jouer autre chose, notamment le profil de Converti, un Américain (blanc, noir, asiatique…) qui s’est converti à la cause des Natifs.
Depuis quelques mois, tu diffuses sur une page dédiée à Project Pelican des extraits du jeu et des inspis. Nous y avons découvert une image énigmatique, une pièce de puzzle où apparaissaient non-seulement Project Pelican mais également BIA et Necropolice. Peux-tu nous en dire davantage?
Fabien Fernandez: Oui, tout à fait. Comme je m’intéresse au transmédia, j’aime bien enrichir mes parties de plein de choses (support papier, électronique, sonore, etc). Là, c’était l’occasion rêvée d’ouvrir une porte sur un univers commun: BIA + Necropolice + Project Pelican. Le système dK facilite le lien et il y a des paragraphes qui décrivent comment faire. Ainsi, on peut imaginer qu’un personnage créé avec les règles de Necropolice se fasse embrigader dans cette histoire ou qu’on se serve du jeu pour des enquêtes de BIA. Voire qu’on utilise sans distinction des totems de BIA ou de Project Pelican dans l’un ou l’autre. Je fais des ponts, j’ouvre des portes pour que les joueurs y trouvent du plaisir. D’ailleurs, j’avais déjà entrouvert cette porte dans le supplément Necroculto, pour les plus attentifs.
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