LE JOURNAL DE BECKETT
VAMPIRE V5
MON CHER JOURNAL…
SEIZE ANS SÉPARENT LA GÉHENNE, CENSÉE MARQUER L’APOCALYPSE DES CAÏNITES, DE LA CINQUIÈME ÉDITION DE VAMPIRE. MAIS QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS? C’EST CE QUE PROPOSE DE NOUS RACONTER CE JOURNAL DE BECKETT, À TRAVERS UN PAVÉ DE 560 PAGES RÉDIGÉ DE LA MAIN-MÊME DU PLUS FIABLE TÉMOIN DU MONDE DES TÉNÈBRES…
LE JOURNAL DE BECKETT
Auteurs: divers
Illustrateurs: divers
Éditeur: Arkhane Asylum Publishing
Disponibilité: août 2019
Genre: horreur/contemporain
TRAITS
Background:
• Période séparant la V20 et la V5
• La lumière enfin faite sur certains mystères
• Il faut aimer les intrigues politiques!
• Inaccessible aux débutants
• Il manque une chronologie (aucune date fournie)
Gameplay:
• Nombreuses pistes de scénarios inspirantes
• Pas de ligne claire, trop de versions différentes des événements
• Aucun point de règle concret
Produit:
• Format mook
• Couverture rigide
• Polices manuscrites et dactylographiées
• Illustrations originales en couleurs
• 560 pages
• Version collector disponible (couverture en simili-cuir)
Retour vers le futur
Le Journal de Beckett se présente comme un carnet de notes manuscrites et dactylographiées relatant les recherches de Samuel Beckett, le fameux archéologue du Monde des Ténèbres (On notera au passage la disparition d’un mot à la traduction du Beckett’s Jyhad Diary…). L’ouvrage rassemble diverses pièces rapportées dans un ordre chronologique (journal de bord, lettres, retranscriptions d’entretiens…), et sert d’alibi à l’exposition du background – pardon, de la «métaintrigue» – de Vampire V5. Celle-ci prend directement la suite des événements relatés dans le bien-nommé Géhenne, publié en 2004, en conclusion d’un canevas (très) complexe de cabales et autres manigances obscures étalé sur treize ans. Nous apprenons ainsi que la Géhenne est cyclique, et qu’elle n’a rien de définitif (ce qui, avouons-le, est bien pratique pour rétropédaler et lancer une nouvelle storyline). Logiquement, le journal débute en 2005 et s’articule autour de la recherche par Beckett du Livre de la Guerre des Tombes, un ouvrage qui permettrait aux vampires de s’affranchir du lien de sang qui les unit à leur clan, et lèverait le voile sur des mathusalems (peut-être même des antédiluviens) prêts à faire leur come-back…
Du rififi à Milwaukee
Ce mystérieux grimoire a été découvert et dérobé par son amie, la primogène trémère Carna (une Marseillaise!), désormais en fuite car libérée de son allégeance à son clan et à la Camarilla. Dans la veine romantique de Vampire, le Journal s’ouvre sur une missive enflammée de la Sorcière adressée à son amant regretté, assez intrigante pour attirer le Gangrel dans son fief du Milwaukee actuellement assiégé par le Sabbat et cerné par les loups-garous. En électron libre, auréolé de sa réputation, Beckett est reçu par les plus prestigieux représentants de la Camarilla et du Sabbat, qu’il s’applique à interroger (parfois au péril de sa non-vie) avec le tact, la diplomatie et l’humour pince-sans-rire qu’on lui connaît. Peu importe les risques encourus, comment un archéologue de sa trempe pourrait-il résister à la perspective de consulter une telle relique? Carna le sait, et cette première phase de jeu de piste, qui deviendra par la suite un véritable «fil rouge», entraînera un enchaînement de découvertes sur les chamboulements survenus dans les diverses communautés caïnites. Autrement dit, une «redistribution des cartes», ou la réorganisation complète des pions sur l’échiquier politique du Monde des Ténèbres.
L’échiquier du Mal
Après avoir tenté de simplifier et rendre plus accessible le Monde des Ténèbres avec Requiem, qui n’aura pas su convaincre néophytes et initiés, White Wolf effectue un virage à cent-quatre-vingt degrés en revenant aux fondamentaux. Mieux vaut, en effet, bien connaître le contexte préexistant et être motivé pour aborder ce journal, car trente chapitres et cinq cent soixante pages couvrant le monde vampirique actuel, présent sur toute la surface du globe, vous attendent. Un parti pris somme toute un peu paradoxal, car la V5 du livre de base reprend l’idée d’une limitation de la Camarilla à cinq clans, et s’adresse davantage aux débutants que ce supplément…
De plus, les chroniques de Beckett se lisent dans l’ordre, car elles suivent le fil d’une intrigue et une certaine logique dans leur progression. Difficile, dans ces conditions, de «grappiller» ça et là ce qui intéresse le conteur. Heureusement, des résumés objectifs, en regard du récit subjectif livré par Beckett, viennent ponctuer les chapitres pour informer le lecteur du réel déroulé des événements (et Dieu sait que, dans le monde des vampires, les apparences sont souvent trompeuses).
Une question de point de vue
«Réel», si l’on peut dire, car dans ces synthèses plusieurs interprétations des faits relatés sont fournies au conteur, libre d’adapter à sa sauce ses scénarios selon l’angle envisagé. Rappelons que nous évoluons ici dans un univers éminemment politisé où chacun s’évertue à manipuler l’autre. Ajoutez à cela les déclarations contradictoires de Malkaviens schizophrènes en conflit d’intérêt avec eux-mêmes, et il devient difficile de trier le bon grain de l’ivraie. Qui tire les ficelles? Les Mathusalems eux-mêmes, voire des vampires plus anciens encore, depuis leur torpeur? Il appartient au conteur de le déterminer.
Précisons que la seule lecture de ces récapitulatifs suffit à la compréhension globale de l’intrigue, mais il serait fort dommage de passer à côté de ses subtilités. Pour le coup, je conseillerais presque de les lire avant les échanges de Beckett avec ses interlocuteurs énigmatiques, afin de bien assimiler ce qui se trame en sous-texte.
On ne se serait pas déjà vus?
On appréciera d’ailleurs l’intégration subtile de certains événements et personnages du jeu vidéo Vampire Bloodlines (et même Rédemption !), en attendant sa suite, tels que la chute du Ventrue Lacroix orchestrée avec la complicité des anarchs Rodriguez et Smiling Jack. L’apparition d’autres guests, également, comme dans l’excellent chapitre consacré à Dracula. En revanche, il ne faudra pas espérer beaucoup d’infos sur la France (et à peine plus dans le supplément Camarilla). Nous devrons nous contenter d’un Conseil tenu à Paris, avec une brève mention de François Villon.
T’as le mook coco
Pour ce qui est de la forme pure, le choix du petit format « mook » permet de compacter une somme conséquente d’informations, tout en donnant un cachet d’authenticité. On a clairement l’impression de lire un véritable carnet. Toutefois, le choix d’une police manuscrite ne rend pas toujours aisée la lecture des petits caractères. La maquette et les illustrations originales sont plus proches de la version dite «V20» que «l’aspect Vogue» de la V5 (qui ne comporte pratiquement que des photos), ce dont je ne me plaindrai pas à titre personnel. En outre, on regrettera l’excellente idée consistant à proposer les PDF des ouvrages en sus, via un code de téléchargement, non reprise ici. Et puis, il manque un signet ! Sinon, sans surprise, Arkhane fournit comme à son habitude une excellente traduction dénuée de coquilles, dans un style respectueux du ton si particulier, à la fois classique et moderne, de Vampire.
Update complete
Trêve de chipotages, Le Journal de Beckett est un bel ouvrage un peu fastidieux à consulter, aux allures de puzzle à reconstituer, mais utile pour aborder la cinquième édition de Vampire. Utile… Et même indispensable! Il serait en effet dommageable que les PJ mettent les pieds dans une ville mise à l’amende par le Sabbat ou les anarchs… Au vu de l’évolution constante de la gamme, il ressemble toutefois davantage à une base qu’à la Bible définitive d’un monde où, paradoxalement, les morts ne savent pas rester en place…
Florent Martin