WITHIN
UN GRAND MORCEAU DE CONTEMPORAIN UN PEU OCCULTE, UNE BONNE LOUCHÉE DE FLIPPE, QUELQUES LITRES D’HÉMOGLOBINE, UNE PINCÉE DE FOLIE ET UN SYSTÈME SANS DÉ: NOUS VOICI DONC DEVANT WITHIN, LE DERNIER NÉ DES JEUX D’HORREUR CONTEMPORAINE. NOUS EN AVONS DÉCOUPÉ UNE PETITE LAMELLE AFIN DE GOÛTER LA CHOSE… PAR ICI POUR LA DÉGUSTATION.
Within
Auteurs: Benoît Attinost et Jérôme Larré
Illustrateurs: Bastien Lecouffe Deharme, David Birot, Davide Chapoulet, Jérôme Cros, Willy Favre, Frédéric le Martelot, Tony Martin
Éditeur: Les Écuries d’Augias
Genre: horreur contemporaine
TRAITS
Background:
-Riche
-Assez classique
Gameplay:
-Sans dé
-Modulaire
-Prometteur
Produit:
-Soigné jusque dans les finitions
-Sobre
-Efficace
Un bel ouvrage vénéneux
Voilà un bon gros livre (424 pages!) grand format, en noir et blanc, mais cette sobriété ajoute une petite touche «ambiance» pour cet ouvrage fort sombre au demeurant et d’une très grande qualité de papier, d’impression et de mise en page. Celle-ci prend la forme de feuillets rassemblés à grands coups de trombones, de fac-similés, de mails étranges… le tout éclaboussé de temps à autre par quelques giclées de sang. C’est somme toute assez classique, voire discret mais très soigné, très efficace et très immersif: on est bien dans l’ambiance noire et rouge de ce monde qui sent rapidement le chloroforme et la boucherie. De plus, nous vous recommandons la lecture des nouvelles qui mettent tout de suite dans le bain (de sang) et donnent envie de continuer la lecture du bouquin.
L’horreur cinématographique
Et comme annoncé, on se retrouve bien plongé dans un monde contemporain horrifique (qui peut se jouer de nos jours, mais également du début du XXe siècle jusqu’à notre futur) et quelque peu occulte. Occulte car l’horrifique flirte toujours avec le surnaturel et les sociétés secrètes. Le monde est encadré par le Pentacle, à savoir cinq sociétés dont les noms (La Loge d’Hermès, Le Consortium, Le LABO, L’Agence et La Société OEcuménique) constituent par leur
seule consonance un horizon riche en inspirations (un peu de Mage, une pincée de Retrofutur, quelques lamelles de Cyberpunk, un soupçon de Secret World…). L’exposé du monde est également riche en abominations parmi lesquelles on peut trouver des «démons et sorciers», des «anthropophages», des «tueurs en série», des «objets» ou encore des «conspirations» (liste d’horreurs non exhaustive…). Le tout est couronné d’un méta-plot occulto-initiatique qui donne envie d’en savoir plus: ce monde n’est pas un simple cabinet des horreurs tombées là par hasard, il est dirigé par une dynamique interne qui lui donne une unité. Et nous n’en dirons pas plus sous peine d’en dire trop (et de finir écorchés vifs!!!).
Un système à tiroirs
Le tout se joue sans dés, avec un système dont le coeur est très simple puisqu’on confronte les traits des personnages à la difficulté de l’action pour savoir si elle réussit ou non, et dans quelle mesure. On se retrouve avec des réussites parfois mitigées (oui, mais…) ou des échecs pas si terribles (non, mais…), le tout variant selon les types d’actions et les seuils d’échec ou de réussite. Ces nuances sont récapitulées dans un tableau qui demande un peu de pratique (surtout sans l’écran) mais qui reste assez instinctif. Et bien évidemment, il est possible de modifi er le niveau de réussite d’une action en prenant son temps, en utilisant du matos ou en sacrifiant des points (de santé, de fatigue…). Il est aussi possible (mais présenté comme optionnel, alors qu’il s’agit, selon nous, du coeur du jeu) d’utiliser «la main du destin» : un système de pioche de jetons (il faut prévoir son petit matos un peu à l’avance, on nous annonce notamment des cartes allant avec l’écran) qui fait intervenir le hasard et crée des eff ets narratifs particulièrement intéressants. Ainsi, le système qui est, au départ, très simple finit par se complexifi er et on se surprend à aller lire et relire les différents paragraphes pour maîtriser l’intégralité de l’édifi ce. En effet, même s’il est écrit un peu partout que le coeur suffit à jouer, le lecteur ne peut se départir de l’impression que, tout de même, sans toutes ces options à effet kiss-cool, on perd une bonne partie du sel du système…
Une boîte à outils
La création de personnages peut se faire sous forme «rapide» (avec les prétirés), «archétypale» (on choisit un archétype qu’on modèle à sa guise) ou «détaillée» (la création de A à Z). De même, Within propose trois «modes» de jeu: le one shot, un mode sériel qui utilise l’univers du jeu sans réellement le faire évoluer ou le mode storyline où le jeu et les joueurs évoluent au fil des parties et des suppléments. La bonne idée bien pratique étant de baliser à chaque fois le type de scénario et de PNJ (une croix pour la série, deux pour la storyline), histoire que le MJ voulant jouer en mode storyline ne trucide pas un PNJ capital dès son deuxième scénario… Si cette présentation des choses sous forme de boîte à outils a le mérite de laisser les mains libres au MJ et à sa table, le mode storyline a pourtant l’air bien plus intéressant que les deux autres options, d’autant que le scénario de type storyline proposé semble également bien plus passionnant que les deux autres (je dois dire que l’intro, très cinématographique, m’a coupé le souffle…). Mais bon, on le sait, qui peut le plus peut le moins, et donc peu importe finalement…
Et l’épreuve du feu?
Nous avons tous nos marottes et nos spécialités. Les miennes ne s’accommodent que mal de l’horreur contemporaine. Et pourtant, à la lecture, j’aurais voulu que Within soit l’exception… En réalité, si l’on groupe des joueurs qui aiment le genre, sans en être toutefois de grands fans, et un MJ dont l’horreur n’est pas le genre de prédilection, il ne se produit pas de miracle. D’autant plus que le MJ en question ne goûte que peu les systèmes sans dés. Enfi n, si l’on ajoute à cela que le scénario d’introduction est un one shot qui sert plutôt à poser les bases de l’horreur, mais pas de la storyline, on se retrouve à jouer une partie qui ne permet pas de montrer les mécanismes les plus intéressants du jeu et qui, par le classicisme du scénario, finit par tomber dans le cliché… Ainsi, l’impression de partie nous a laissé un petit goût de déception qui permet de confirmer notre intuition de départ: Within est un jeu particulier qui ravira les amateurs du genre ou ceux qui veulent s’y essayer.
Isabelle Périer.
ATTENTION SPOILER ! INTERDIT AUX JOUEURS ! ATTENTION SPOILER !
POURQUOI WITHIN?
Nous ne pouvons pas le crier dans le corps de notre article sous peine de spoiler tous les joueurs qui le liraient, mais le grand intérêt de Within réside dans son traitement du surnaturel et de la folie. Quelques points jaugent classiquement la santé mentale et les pouvoirs mais le jeu mène surtout une réflexion de fond sur «comment amener les joueurs à percevoir le monde au travers du prisme de leur folie?». Avec les pouvoirs, vient la folie. Or la folie n’est qu’une interprétation différente de la réalité. Ainsi, le MJ est amené à orienter ses descriptions pour retranscrire ce prisme dément qui tord la réalité aux yeux des personnages: pour un paranoïaque, un passant n’est jamais un simple badaud, c’est un suspect, pour un mégalomane, une réussite n’est jamais le coup du hasard, mais bien la preuve d’un grand talent ou d’une élection… La folie qui est à l’intérieur conditionne ce que je perçois de l’extérieur…
ATTENTION SPOILER ! INTERDIT AUX JOUEURS ! ATTENTION SPOILER !